J'adore regarder les jeunes gens dans la rue. Tous ont une attitude singulière. Pourtant les stéréotypes ressortent et j'apprécie différemment la course des filles de celle des garçons. Avec les mêmes vêtements, les mêmes chaussures, dans les mêmes urgences, aux mêmes vitesses, les différences sautent aux yeux. Dans la nature, il est difficile de distinguer l'individu mâle de l'individu femelle. Au stade, l'humain retrouve son comportement nature. Dépouillé des sédiments de la culture. Les filles et les garçons courent sautent de la même façon. Dans la rue, chacun reprend sa place. La place que la société lui octroie. Il est mâle. Elle est féminine. Les garçons semblent s'immerger dans l'effort alors que, majoritairement, les filles semblent contrôler chacun de leurs mouvements. Evidemment, les explications sont purement sociales, culturelles. Bon, je vais pas ratiociner les mêmes clichés. En fait j'aime ces différences.

J'ai confié à Romain ce que j'avais dit des gens qui courent dans la rue. C'est marrant, m'a-t-il dit, j'ai exactement la même sensation. A midi, je l'ai suivi dans une brasserie devant la gare. Il vient souvent là. Son jeu consiste à deviner de loin le sexe des gens pressés. Il m'a montré que les accessoires sexués, sacs à main, cheveux longs, n'étaient plus des critères discriminants. De loin, une fille avec des cheveux rassemblés en chignon serré passait pour un garçon et pas mal de types se baladent avec un sac en bandoulière. Il reste les talons. Ils restent très féminins et donnent une démarche caractéristique. Outre cela, c'est amusant de deviner la profession, le caractère des gens qui courent après leur train. Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi on devine assez facilement ce que sont ou font les types. Ils sont très souvent conformes aux codes sociaux de leur métier. Les femmes c'est plus difficile.

Quant à la différence de sexe. Romain m'a convaincue que, dans la rue, dans la vie, chacun conservait et montrait le code sexué auquel il ou elle s'identifiait. C'est vrai que, de loin, on se trompe rarement tellement la façon de courir est différente.

J'ai passé un bon moment avec Romain mais il ne laisse pas beaucoup de place aux autres tellement il parle.